Dark Yoga : à la rencontre de notre côté obscur !!

« Les émotions sont la principale source de prise de conscience. On ne peut transformer les ombres en lumière et l’apathie en mouvement sans émotions » C.G.Jung

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 J’ai eu un jour une élève qui commençait à partir à la dérive et à venir aux cours les yeux vides. Elle évitait de croiser mon regard et avait autour d’elle un mur de protection invisible. Avant, elle avait l’habitude de poser des questions ou de discuter à la fin des classes ; maintenant c’était la première sortie de la pièce et même du bâtiment avant même que je ne sois levé de mon tapis. En fait, je me souviens que nous parlions un tout petit peu. Elle m’a dit qu’elle était débordée. Elle a parlé de ses enfants. Ensuite elle a regardé dans le vague et a dit qu’elle ne savait pas vraiment. Le yoga n’avait plus d’effet. « Parfois » dit-elle, « tout ce que je ressens dans la position de l’enfant c’est de la colère et de la déception ».

 La négativité fait partie de la vie

Le yoga s’appuie sur le vocabulaire du bien-être. J’ai récemment entendu un masseur me dire que nous étions tous les deux travailleurs dans « l’industrie du bien-être ». La promesse de l’illumination a tendance à nous faire croire que nous allons devenir plus spirituels, et quelque part que cela signifie qu’avec le temps nous allons être un petit peu plus serein… avec nos enfants… à propos de l’argent… Il y a là une part de vérité. Le yoga peut nous montrer à quel point c’est bon de se sentir en vie.

Mais le yoga va aussi nous montrer avec précision comme nous nous sentons mal. Normalement, quand des émotions honnêtes commencent à ressortir les élèves quittent le cours. Ils zappent les cours ou décident que le yoga ne leur apportent pas ce qu’ils souhaitent. Ils disent : « Ca ne fonctionne plus ». L’émotion elle-même les en éloigne ; ils ne « sont pas d’humeur », « trop occupé », « trop déprimé pour faire quoi que ce soit ». Ils vont – croyez moi, c’est véridique – se sentir coupable d’être si mauvais quand les autres essaient simplement de s’allonger en savasana. Ceci ne veut pas dire que le yoga ne fonctionne plus, mais au contraire, qu’il FONCTIONNE. La finalité ce n’est pas cette négativité, cette déception. Mais la négativité fait partie du processus, et elle doit être traversée si vous voulez la comprendre, et vous comprendre avant tout. Si vous ne le faites pas, vous passez à côté de la moitié de votre expérience de vie, et probablement à côté des plus grandes forces que vous n’allez jamais découvrir. Si vous ne le faites pas, vous allez continuer à zapper, compenser, répéter et désamorcer. Vous allez transformer l’irritation en gentillesse, vous en remplir, et cela va faire irruption dans votre vie plus tard sous la forme de rage envers un proche ou envers vous-même.

 Au yoga on pratique l’honnêteté, pas la félicité

La plupart d’entre nous avons passé notre vie à étouffer ou à réprimer nos sentiments, à les rationaliser, à les éviter ou à les sublimer par l’exercice, la nourriture, les cigarettes, la télévision, les relations kleenex. On apprend aux femmes à ne pas se mettre en colère parce que ce n’est pas beau, pas féminin (ou trop féminin et limite pétasse, débordement émotionnel, hormonal et incontrôlable). Les hommes sont supposés se sentir compétents, TOUT le temps. Dans nos efforts pour nous sentir mieux, nombre d’entre nous les font taire, en entier, à la faveur d’une psychologie de bas étages ou de spiritualité facile. Cela s’appelle un raccourci spirituel. C’est un essai pour éviter de ressentir les émotions douloureuses, les problèmes non résolus, ou les vérités dérangeantes par des phrases telles que : « Tout arrive pour une raison », « Les voies de Dieu sont impénétrables », « Je vais bien, tout va bien ».

Il y aura un cours de yoga pendant lequel un jour, que ce soit chez vous, ou dans une salle, votre enseignante commencera à chanter. Elle dira « expirez » et vous en sentirez les effets au plus profond de vous même. Elle fera peut être allusion à la paix dans votre cœur, à la détente dans votre bassin ou à votre lumière intérieure.

Si vous êtes comme moi, cela peut aussi parfois vous rendre fou. Il y aura peut être un jour où, vous serez dans la position de l’enfant « dans la douceur, détendu et en sécurité » et vous ne ressentirez rien d’autre que de l’ennui, de l’irritabilité et du mal-être. Et vous ne cesserez de lever la tête vers la pendule. Il y aura peut être même un jour, où votre cerveau insultera cette si gentille enseignante qui vous parlera de l’amour débordant de votre chakra du cœur nouvellement épanoui.

Et c’est là le truc. Le yoga n’est pas une question de félicité, mais une opportunité pour être honnête. La spiritualité n’est pas fondée sur des certitudes, mais sur l’appel du cœur pour se connecter avec sa vérité. L’illumination ne repose pas sur le lâcher prise des mauvaises pensées, mais sur leur compréhension, savoir ce qu’elles nous font et comment elles se manifestent dans notre corps. La non-violence et le pardon ce n’est pas se sentir généreux ou se sentir à la hauteur (« plus haut que » et condescendant), mais connaître la difficulté d’agir avec justesse et d’assumer les responsabilités liées à cette difficulté. Le pardon vient souvent directement de cette reconnaissance de nos mauvais côtés. L’amour ce n’est pas la joie permanente. Parfois l’amour blesse. L’amour est brut.

Le yoga est une histoire d’amour. Pas l’aventure légère et romantique, mais la véritable. Le genre qui vous change. Les émotions sont des passages, des portes d’entrée. Le but n’est pas d’exister sans ombres, de devenir tellement spirituel que nous ne sentions plus jamais grosse, blasée, envieuse, ou impatiente. Le but est de voir en face tous ces défauts quand on prend le chemin qui s’enfonce dans l’obscurité.

Traverser nos ombres

Puisque le yoga nous demande de travailler à la fois le corps et l’esprit, le résultat va inévitablement être désordonné. Il y aura des moments quand le corps lui même est nerveux, en ébullition, speed, ou tremblant, sans que le cerveau rationnel n’en connaisse la cause. Il y aura des jours où l’ennui et la solitude semblent si intenses qu’on les sent nous blesser dans notre chair. Il y aura 5000 manières pour votre esprit de vous dire que vous ne valez rien, que ça ne va pas fonctionner, que l’amour n’existe pas en fait…

Le yoga a déjà du vous donner des clés pour ceci. Vous avez probablement déjà ressenti comment l’amour (que ce fut romantique ou courtois, sous forme de compassion, de sentiment d’être sur la bonne voix, ou de renforcer votre confiance en vous) est la seule chose qui soit vraie. Le plus élevé et le meilleur dans l’être humain est subtil, mystérieux et en lien direct avec nos ombres. La vie est la fois d’une cruauté sans nom et d’une douceur irrésistible, souvent au même moment.

Les ombres vont se montrer. Soyez là. Apathie, mélancolie, ce que les mystiques chrétiens appellent la désolation, les appels existentiels désespérés, avancent quand on va vers eux. Ce n’est pas le passage du temps qui guérit, mais nous qui passons à travers nos expériences.

 Regarder les choses s’effondrer

Il y a des milliers de choses qui nous disent : «passe au dessus», ou « pense positif », ou « lâche prise ». Soyez attentif à ces messages comme à des distractions au bord de la route, rien de plus.

Le yoga c’est l’histoire d’amour pendant laquelle les choses se défont. Dieu quitte la scène, souvent au même moment où il retire le plancher de sous nos pieds. D’abord arrive ceci, ensuite arrive cela. Les frissons des premiers mois de yoga sont partis, la facilité d’apprendre quelque chose de nouveau à chaque fois qu’on franchit la porte. Est parti aussi l’emploi du temps qui vous permettait d’y aller 3 fois par semaine. Partie la force dans vos épaules, votre détermination à suivre votre nouveau régime alimentaire. Partie votre foi dans votre transformation profonde. Et alors un petit battement dans votre cœur. Et alors un deuxième.

traduit de l’anglais par mes soins : http://upliftconnect.com/yoga-of-darkness/

Une réflexion sur “Dark Yoga : à la rencontre de notre côté obscur !!

  1. Agnès Girard dit :

    Merci pour cette réflexion qui m’aide à comprendre pourquoi mon corps me fait mal et pourquoi le yoga ne me soulage que partiellement. Il ne s’agit pas de surmonter le problème, mais de le regarder en face, cette fois

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